Thomas Cook, TUI, Univairmer, Marco Vasco…. la grande drague des travailleurs indépendants

Marco Vasco, TUI, Thomas Cook, Univairmer… Les agents de voyages français se lancent un à un dans le recrutement de travailleurs indépendants. Nouvelle manière de commerce plus flexible et proche du consommateur pour certains, véritable retour en arrière social pour d’autres, le phénomène donne dans tous les cas des migraines à ceux qui tentent de l’encadrer juridiquement… Avec une question centrale, celle de l’immatriculation. Enquête de Tourmag.

On les appelle « apporteurs d’affaires », « travailleurs indépendants » ou bien encore, plus pudiquement, « ambassadeurs ».

Cette forme de rapport au travail, que l’on pourrait croire nouvelle pour les entreprises depuis l’avènement de l’économie collaborative, continue de se répandre chez les grands voyagistes français qui y voient des avantages certains.

Lors de notre dernière enquête sur le sujet, pour l’IFTM 2016, nous nous demandions si « les agents de voyages français étaient ubérisables ».

Cette fois, la question ne se pose pas vraiment tant les voyagistes n’hésitent plus à se lancer sur le recrutement d’agents indépendants.

« Ce phénomène répond à un triple besoin, décrypte Pierre-Olivier Grolleau, directeur du réseau d’agence de TUI.

D’abord de la part du client, qui demande un service plus humain et personnalisé, disponible pour lui le week-end et le soir, et de la part de quelqu’un qu’il connait.

Ensuite il y a un besoin des agents de voyage qui souhaitent plus d’autonomie dans leur travail ». Enfin, il parle d’un besoin interne aux grands groupes de voyagistes, qui veulent affiner à moindre coût leur maillage territorial.

 

Apporteurs d’affaires ou clients ?

Il est très difficile d’estimer l’évolution du nombre d’apporteurs d’affaires rattachés à un grand agent de voyage en France.

Ceci pour la simple raison qu’il n’y a pas de critère définis ni de contrats précis pouvant permettre de les distinguer.

Même pour ceux qui seraient immatriculés, Atout France « n’a pas de critère précis permettant de distinguer les immatriculations individuelles qui cachent un « apporteurs d’affaires » ou pas, nous explique-t-on.

Il est très difficile de mesurer de notre côté leur évolution ».

Dernier voyagiste en date à se lancer sur le sujet, Marco Vasco vient d’indiquer le début d’une campagne de recrutement ce qu’il nomme des « ambassadeurs apporteurs d’affaires ».

« Marco Vasco propose à des hommes et des femmes ayant à cœur de partager leur passion du voyage de devenir des port-paroles de choix auprès de leur entourage », explique un communiqué.

Impossible d’en savoir davantage sur les conditions d’embauche et de rémunération de ces « travailleurs ».

Le communiqué du voyagiste précise quand même : « Avec à la clé un gain potentiel de 300€ pour l’Ambassadeur pour chaque nouveau client recruté et une réduction de 500€ sur le voyage qu’aura réservé l’intéressé avec Marco Vasco ! »

L’avantage pour l’agence de voyage, qui parle « d’innovation » : « développer sa notoriété grâce au pouvoir prescripteur du bouche à oreille, et maîtriser les coûts d’acquisition de sa clientèle ».

 

TUI ou Thomas Cook : deux écoles

Du côté de chez TUI, qui a lancé le recrutement de ses « ambassadeurs » dès janvier 2016, on indique avoir aujourd’hui une dizaine de travailleurs indépendants sillonnant la France pour la marque. Avec pour objectif précis d’atteindre la centaine d’ici 2020.

Chacun d’entre eux est immatriculé et n’a pas d’exclusivité tant qu’il vend un minimum de 60% de produits TUI (et peut donc vendre à côté des vols secs ou d’autres TO).

« En fait, nous avons copié le modèle hollandais de TUI, qui met en activité ce genre de travailleurs indépendants depuis plusieurs années déjà », confie Pierre-Olivier Grolleau.

Et le recrutement est on ne peut plus encadré : les travailleurs indépendants sont obligatoirement des anciens agents de voyages, justifiant au minimum de 6 années d’expériences avec un large réseau autour d’eux.

Et pour cause « chacun a une obligation de 50 000 euros de chiffre d’affaires annuel », précise Pierre-Olivier Grolleau. Et de citer l’un d’entre-eux, dans le Jura, qui vient de conclure une vente à plus de 15 000 euros

Et, dans une volonté de se démarquer de la concurrence, pas d’ambiguïté sur le type de contrats. « Tous nos ambassadeurs doivent obligatoirement être immatriculé« .

Et le groupe va même jusqu’à apporter la caution financière nécessaire à chacun. De fait, les travailleurs du terrain de TUI sont entièrement autonomes dans leur travail, se chargeant de toute la vente, du début jusqu’à l’encaissement, avec un contrat de franchisé. Et prennent de 6 à 8% de commissions sur leurs ventes.

« On ne peut pas parler d’ubérisation dans notre cas, dans la mesure ou ce sont des contrats viables et pérennes », justifie le directeur des ventes.

Chez Thomas Cook, on se lance dans l’aventure depuis février 2017 avec une vision qui diffère.

Un nouveau contrat a été lancé « selon lequel l’apporteur met à profit ses connaissances du marché, son portefeuille de contact et son expérience dans le domaine de la vente de produits de voyages, afin de présenter à Thomas Cook des personnes intéressées par l’achat d’un voyage », explique un communiqué.

« Nous avons eu beaucoup de demandes et avons déjà signé des contrats, mais on ne communique pas sur le nombre », nous indique la communication de Thomas Cook France.

En revanche, « l’objectif chiffré en nombre d’apporteurs d’affaires est d’une cinquantaine d’ici un an, et on ne s’est pas fixé de limite« .

Le tout sans CA minimum à réaliser, ni immatriculation chez Atout France « car c’est l’agence qui conclut la vente avec le client au final », nous a t-on expliqué. La fourchette des taux de commission y est établi entre 3 et 5%, sans CA minimum a réaliser.

 

Des auto-entrepreneurs haut de gamme chez Univairmer

Enfin, Univairmer a également choisi un système plus flexible pour ses services de vente à domicile, lancés en janvier 2016, et réunissant aujourd’hui 10 « coachs » (objectif de 30 en 2018) : pas d’immatriculation mais de l’auto-entreprenariat. Avec pour objectif pour le groupe : 2,6 millions d’apport pour 2017.

« On les considère comme des commerciaux qui ne vendent que sur du rendez-vous des prestations haut de gamme », explique Jean Dionnet, P-DG d’Univairmer.

Chacun d’entre-eux suit une formation de 5 jours puis est rattaché à une agence à laquelle il transfère ses dossiers pour l’encaissement. Le contrat repose sur un système d’incentive de 3 à 7%.

« A terme, j’aimerais un coach par département français », confie Jean Dionnet.

« Notre système tient la route juridiquement, poursuit-il. On ne peut pas faire n’importe quoi quand même ».

 

Quelle réglementation pour l’avenir ?

Et en effet, c’est sur le point de la réglementation des contrats et des rémunérations que les voyagistes s’opposent. La notion d’immatriculation étant le point essentiel les divisant. Car légalement, même le code civil et le code du travail se contredisent sur ce sujet…

« On comprend le phénomène », explique Valérie Boned, du syndicat Les Entreprises du voyage, qui indique travailler actuellement à la question. « Tout le monde veut développer sa force de vente de manière moins coûteuse que le salariat« .

« Notre position est claire : on ne s’y oppose pas », résume-t-elle. « Mais dans nos travaux, on tente de trouver le juste milieu ».

A savoir : assouplir la législation autour du statut des travailleurs indépendants, tout en la sécurisant. « Il y a encore trop de vides juridiques et de situations border line », estime Valérie Boned. « La modernisation ok, mais dans un cadre sécurisé. On serait favorable à un statut intermédiaire définit par le code du tourisme ».

« La situation reste en tout cas très obscure pour le moment, sans distinction entre la légalité ou pas. Tout reste à faire », veut-elle résumer.

Difficile de lui prouver le contraire.

Source : http://www.tourmag.com, Rédigé par Pierre Georges le Mardi 21 Mars 2017