« 150 000 », tel est le nombre moyen de blessés chaque année lors de la pratique de l’activité de ski d’après une étude de l’association Médecins de Montagne.

 

Cela démontre que le ski, une activité plébiscitée par les Français (environ 7 millions la pratiquent chaque année), est source de risque.
Un accident matériel ou physique (collision…) est vite arrivé, avec des conséquences plus ou moins graves. Que vous soyez victime ou responsable, un point d’étape s’impose sur le fonctionnement des responsabilités éventuellement engagées et les garanties d’assurance qui interviennent.

Cette fiche pratique de l’INC expose les recours possibles en la matière et les garanties d’assurance à actionner le cas échéant.

1 – LA COLLISION SUR PISTE : QUELLE RESPONSABILITÉ ? QUEL JUGE SAISIR ?

Fondements juridiques

La collision sur les pistes de ski est l’une des premières causes d’accident pouvant enclencher la responsabilité civile de la personne à l’origine du dommage.

Deux fondements, tirés du code civil, permettent d’engager la responsabilité de l’individu « présumé responsable » de la collision :

  • les articles 1240 et 1241, anciennement 1382 et 1383, disposent que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. Ces deux dispositions créent une obligation de réparation à la charge de l’auteur du dommage ;
  • l’article 1242, alinéa 1 anciennement 1384, dispose que chacun est responsable des choses qu’il a sous sa garde. Les critères de la  garde sont définis depuis l’arrêt Franck (Chambres réunies, 2 décembre 1941) comme l’usage, la direction et le contrôle de la chose. Par conséquent, si les skis ont été l’instrument du dommage, la responsabilité de leur gardien sera engagée. Il s’agit d’une responsabilité pour faute présumée.

En pratique, pour engager la responsabilité du skieur avec qui vous avez eu la collision, la seule preuve du dommage suffit.

ATTENTION : La force majeure ou le fait de la victime qui présentent les caractéristiques de la force majeure peuvent faire échec à ces mécanismes.

Rappel : un fait de force majeure est défini comme un fait imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté du présumé responsable (voir, notamment en matière contractuelle, l’article 1218 du code civil).

 

Application(s) pratique(s)
Afin d’apprécier de manière la plus concrète possible la faute du présumé responsable, plus particulièrement au vu de l’article 1240 du code civil, le juge judiciaire va analyser celle-ci de manière in abstracto à savoir quel aurait été le comportement du « bon père de famille » autrement dit d’une personne prudente et avisée.

 

Les juges du fond doivent caractériser la faute du gardien notamment pour détermnier au mieux son rôle quant à la causalité de l’accident notamment en présence de plusieurs individus ( voir Cass. civ. I, 16 octobre 2013, n° 12-17909).
Pour cela, le juge va notamment s’appuyer sur les règles édictées par la Fédération internationale de ski. Il s’agit de dix règles de bonne conduite.

 

Deux règles sont essentielles :

  • la règle numéro 2
    Chaque skieur ou snowboardeur doit rester maître de sa vitesse et de son comportement. Il doit donc adapter sa vitesse et son comportement à ses capacités personnelles ainsi qu’aux conditions du terrain, de la neige, du temps et à la densité de la circulation sur les pistes.
  • la règle numéro 3
    Chaque skieur ou snowboarder doit maitriser sa direction et respecter la priorité du skieur en aval.

Ces règles sont une indication, pour le juge, à déterminer au mieux le caractère fautif ou non du comportement soumis à son appréciation.
Le niveau technique du skieur, son expérience, sa connaissance du domaine skiable sont également des arguments qui entrent en considération.

En ce qui concerne l’article 1242, alinéa 1 du code civil, la Cour d’appel de Pau a estimé que le corps de skieur et ses ski forment un ensemble de telle sorte que même si c’est son corps seul qui entre en collision avec un tiers seuls les skis sont l’instrument du dommage (CA Pau, 1 ère Chambre, 27 mai 2002).

2 – L’EXPLOITATION DE LA PISTE DE SKI. QUEL JUGE SAISIR ? QUELLE RESPONSABILITÉ ?

Principes généraux

En matière d’exploitation de la piste de ski, et plus particulièrement lors d’un défaut d’entretien et de sécurité des pistes de ski, même si la station de ski est exploitée en régie directe par la commune (c’est-à-dire par les services municipaux), seul le juge judiciaire est compétent (CE, 2e et 7 e ss-sect, 19 févr.2009, n° 293020, Beaufils).

L’obligation de sécurité qui pèse sur l’exploitant quant à l’entretien des pistes est de moyen.

Par conséquent, le skieur victime d’un accident du fait de la présence d’un défaut sur la piste qu’il emprunte doit démontrer une faute de la part de l’exploitant. Cette faute s’apprécie principalement en faveur des victimes.

Illustrations
 

  • La commune qui sous-estime la probabilité qu’un skieur au passage d’une plaque de verglas puisse tomber et terminer sa course en dehors de la piste contre un arbre ou un rocher, a manqué à son obligations de moyen de sécurité en omettant de poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers (Cass. civ. I, 3 juillet 2013, n° 12-14216) ;
     
  • L’exploitant d’une piste de ski, qui ne procède pas, à un endroit présentant un danger particulier du fait de la présence d’un torrent situé en contrebas, à une signalisation spécifique et omet de mettre en place un dispositif de protection adéquat sous la forme de filets, manque à son obligation générale de sécurité (Cass. civ. I, 17 février 2011, n° 09-71880) ;La responsabilité de la commune reste cependant possible à engager devant le juge administratif du fait du pouvoir de police administrative du maire.En effet l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dispose que le maire a pour mission de prévenir les troubles à l’ordre public et notamment d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

    Le Conseil d’Etat est venu préciser, au fur et à mesure du temps, le rôle exact du maire en matière de prévention des accidents de ski.

    Le principe général est « qu’il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent, personnellement, par leur prudence, se prémunir » (CE, 22 décembre 1971, Cne de Mont de Lans).

Ainsi, la responsabilité de la commune est-elle reconnue pour défaut de signalisation :

En résumé, pour obtenir une indemnisation la plus parfaite possible, le skieur victime devra se tourner vers deux juges : le juge administratif (pour le défaut de signalisation) et le juge judiciaire (pour le mauvais entretien des pistes).

Le hors-piste

Un skieur peut-il rechercher la responsabilité de l’exploitant des pistes suite à un dommage survenu sur un terrain hors-piste ?

Deux situations sont à distinguer :

  • Le « vrai » hors-piste qui consiste à emprunter des pistes qui sortent des itinéraires fixés par la commune.
    -> Aucune action n’est susceptible d’aboutir. La commune ne peut se voir imposer une obligation de signalisation.
  • Le faux hors-piste ou piste de fait. Il s’agit de l’emprunt habituel par les skieurs d’un terrain hors-piste situé entre deux pistes banalisées.
    -> La réponse diverge selon l’ordre de juridiction saisi.

Le Conseil d’Etat estime que la responsabilité de la commune, du fait du pouvoir de police administrative du maire, ne peut être retenue pour n’avoir pas mis en place, en limite du domaine skiable, une signalisation indiquant que le parcours emprunté par le skieur ne constitue pas le prolongement d’une piste banalisée (CE 31 mai 2013, n° de requêtes 350887).

Dans la même décision, le Conseil d’Etat souligne que c’est à l’exploitant du domaine skiable, qui répond de ses actes devant le juge judiciaire, qu’incombe de signaler sur le terrain les limites du domaine skiable.
Le juge judiciaire a pu reconnaitre, de manière périodique, que l’exploitant de ski est tenu, dans un espace non damé compris entre deux pistes banalisées, en présence d’un obstacle donné, à une obligation de signalisation et de protection. L’obligation de protection se traduit essentiellement par la mise en place d’un filet de protection (CA. Chambery, 2 ème chambre, 27 juin 2013, n° RG 10/01529).

Quid de la responsabilité pénale ?

Outre la responsabilité civile, une victime, ou ses ayants-droit peut être amenée à rechercher la responsabilité pénale d’un skieur, d’un exploitant de pistes de ski voire d’une commune.

Il s’agit principalement d’infractions non-intentionnelles (article 121-3, alinéas 2,3 et 4 du code pénal).

 

 

A NOTER : Pour qu’une personne physique puisse voir sa responsabilité pénale retenue en la matière, trois éléments doivent être constatés :

 

  • un dommage doit avoir été causé par cette personne physique ;
  • une violation de façon manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou le réglement, ou la commission d’une faute caractérisée qui expose autrui à un risque d’une particulière que cette même personne physique ne pouvait ignorer ;
  • le lien de causalité entre la faute et le dommage doit être indirect.

 

 

Illustration
A la suite du décès d’une enfant déchiqueté par une dameuse qui a coupé la trajectoire de sa luge, la responsabilité du maire d’une commune gérant directement la station a été retenue au titre des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6 (homocide involontaire) du code pénal dans la mesure où l’élu s’est uniquement borné à autoriser les engins de damage à accéder aux piste de ski de fond sans réglementer leur circulation dans les autres lieux de la station, et notamment sur les pistes de luge et de fond. Le maire, qui connaissait la configuration des lieux, n’a pas pris les mesures qui auraient permis d’éviter un dommage prévisible et a commis, dès lors, une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ( Cass.crim., 18 mars 2003, n° 02-83523).

 

3 – LES MÉCANISMES D’ASSURANCES : QUEL(S) CONTRAT(S) CONCERNÉS ? QUELLE(S) PROCÉDURE(S) DÉCLENCHER ?

Une multitude d’appellation des contrats d’assurance que vous possédez ou dont on vous suggère la conclusion (« Contrat multirisques habitation », « forfait ski », « contrat garantie contre les accidents de la vie ») appelle de votre part à une vigilance quant au contenu de ces derniers et leur champ d’application.
Responsable ou victime d’un accident : quelle(s) garantie(s) faire jouer ?

 Vous êtes responsable

Vous avez provoqué, de manière fautive ou par une imprudence, une collision provoquant, conformément aux principes évoqués ci-dessus, la mise en cause de votre responsabilité. Pas de panique, vous êtes dans la grande majorité des cas couvert.

En effet, votre contrat multirisques habitation ou assurance habitation comprend une garantie responsabilité civile qui permet, sauf exclusions contractuelles ou légales, de prendre en charge les conséquences pécuniaires du dommage que vous avez causé.
Cette garantie s’applique aux membres de votre entourage. Cette notion implique vos enfants, même majeurs, jusqu’à la fin de leurs études.

 

En pratique
A compter de l’accident dont vous êtes à l’origine, vous disposez d’un délai, d’au minimum cinq jours ouvrés, pour effectuer votre déclaration de sinistres par lettre recommandée à l’assureur (article L. 113-2 du code des assurances).
 
Cette déclaration doit contenir :

  • le numéro du contrat d’assurance ;
  • les circonstances de l’accident (à l’aide d’un croquis éventuellement) ;
  • le nom et l’adresse de la victime, ainsi que l’identité des témoins.

Y joindre l’éventuel constat établi par la police ou la gendarmerie et les éventuels témoignages.

 

Vous êtes victime

Au-delà du recours envers le responsable de l’accident, vos dommages, en complément des remboursements de la Sécurité sociale et de votre complémentaire santé, peuvent être pris en charge par un contrat « garantie contre les accidents de la vie » (GAV).

Ce contrat garantit le paiement d’un capital en cas d’incapacité permanente partielle (plus de 30 % d’invalidité) ou totale, le remboursement des frais médicaux en complément des assurances sociales, le remboursement des frais de secours et éventuellement le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail. Le versement de ces prestations est soumis à des limites de garanties et des exclusions.

Ces indemnités versées au titre de la GAV s’ajoutent à celles qui sont dues par le responsable éventuel de l’accident. Toutefois, pour les frais de soins, le skieur ne recevra pas plus qu’il n’a dépensé.

 

Séjours au ski : quelles autres modalités d’assurances ?

 
Aux côtés des assurances dites traditionnelles (multirisques habitation, individuelle accident), il existe d’autres types de formule d’assurance qui permettent d’être assuré en toute tranquillité lors de son séjour.
 
L’assurance liée au forfait (carte neige)
En souscrivant un forfait, vous pouvez vous voir proposer pour une somme aux alentours de 2 à 5 euros une formule d’assurance comprenant des couvertures de Responsabilité Civile, de frais de secours, de recherche, de transports et de soins.

L’assurance liée aux cartes bancaires
Certaines cartes bancaires dites « haut de gamme » telles que GoldMasterCard ou Visa premier incluent un grand nombre de couvertures d’assurances et plus particulièrement pour l’activité de ski.
 
Lors d’un séjour à la montagne, les accidents de sports d’hiver, y compris la randonnée, sont couverts. Les frais de recherche, de secours et de premiers transports, les frais médicaux les remboursements des jours de forfaits ou encore les bris accidentels de matériel peuvent être pris en charge.

Vérifiez les conditions de garanties, permettant de déclencher les couvertures, et les exclusions.

 

Quel contrat d’assurance intervient si vous pratiquez le ski via un club ?
L’association ou le club organisateur de l’activité sportive est dans l’obligation de souscrire une assurance responsabilité civile pour son activité, celle de ses préposés salariés, bénévoles et pratiquants (article L. 321-1 du code du sport).

En cas de refus de sa part de souscrire à un tel contrat, des sanctions pénales sont prévues (six mois d’emprisonnement, 7 500 € d’amende, article L. 321-8 du code du sport).

Les licenciés et pratiquants du club ou associations sont considérés comme tiers entre eux (article L. 321-1 du code du sport).

Par conséquent, si vous êtes victime au cours d’une séance organisée par votre club d’un dommage émanant d’un autre membre, vous pouvez directement saisir l’assureur de votre club pour obtenir une indemnisation.

Comment effectuer une réclamation auprès de votre assureur ?

Si vous êtes victime d’un accident provoqué par un tiers skieur, deux cas de figures pour effectuer une réclamation sont possibles :

  • si vous bénéficiez d’un contrat d’assurance multirisque habitation, il est souvent inclus une clause Défense Recours qui permet à votre assureur de responsabilité d’effectuer toutes les démarches nécessaires envers le présumé responsable de l’accident ;
  • si vous ne bénéficiez pas d’une clause défense recours, vous pouvez envoyer directement une lettre recommandée au responsable de l’accident en exposant les faits de l’accident, sa responsabilité et votre demande d’indemnisation. N’hésitez pas à indiquer au responsable que, s’il est assuré, il doit aviser son assureur de cette réclamation.

Vous pouvez également, conformément au principe de l’action directe posé par l’article L. 124-3 du code des assurances, saisir directement l’assureur du responsable (si, toutefois, vous disposez de ses coordonnées).

Si le tiers responsable n’est pas assuré ou non identifié vous pouvez, le cas échéant, saisir, sous certaines conditions, le Fonds de garantie.

Source : www.conso.net, Publié par Charles Le Corroller, Juriste à l’Institut national de la consommation, le 28/01/2017.

http://www.conso.net/content/accidents-de-ski-responsabilite-et-assurances