Une employée de GoVoyages, agence de voyages en ligne basée en France et intégrée au groupe eDreams Odigeo depuis 2011, entame une grève de la faim ce lundi 22 mai 2017. Une action personnelle pour protester contre son traitement par la direction, mais qui devrait résonner en interne tant le climat social est à l’orage au sein de l’entreprise.

Chez GoVoyages, agence reprise avec Opodo par le groupe eDreams Odigeo en 2011, les effectifs fondent progressivement et inexorablement.

Au moment de la fusion, 480 salariés travaillaient en France pour GoVoyages et Opodo.

Le déploiement d’une nouvelle stratégie de groupe, le renforcement des objectifs, le gel des embauches, le non remplacement des départs et le durcissement des conditions de travail ont ensuite entraîné la disparition de près de 190 emplois en France entre 2011 et 2014.

Des démissions ou des abandons de poste en très grande majorité. Sans qu’aucun plan social ne soit jamais mis en place.

Du moins jusqu’au 28 novembre 2014, jour où la direction de GoVoyages en a annoncé un qui prévoit la suppression de 116 postes sur les 290 alors restants chez GoVoyages et Opodo.

Un plan pour lequel 75 salariés se sont regroupés pour porter un recours commun devant le Conseil des prud’hommes en juin 2015. A la suite de cette démarche, ils ont trouvé un accord avec la direction en décembre 2016.

Celle-ci leur leur a promis des indemnités de départ supplémentaires. A vrai dire, elle n’avait pas vraiment le choix puisqu’en parallèle, le licenciement de 8 représentants du personnel (salariés protégés) a été invalidé par l’inspection du travail qui a jugé le motif économique de la procédure.

30 minutes à 2h30 de travail par jour seulement

Malgré cela, depuis 2015, le nombre de salariés d’eDreams Odigeo continue de baisser. Ils ne sont plus que 105 aujourd’hui, dont 97 en contrat à durée indéterminée (CDI), selon des chiffres de fin février 2017.

« Nous ne subissons plus de pression, mais on ne nous donne simplement plus assez de travail, explique une employée de GoVoyages. Chaque mois, nous voyons au moins 4 personnes abandonner sans être jamais remplacées. »

Les représentants du personnel estiment qu’un employé de GoVoyages en France est actuellement occupé entre 30 minutes et 2h30 par jour. « Le reste de la journée, il compte les minutes qui le séparent de sa fin de journée », ironise un élu au CE.

Parmi eux, une déléguée du personnel dont le licenciement a été refusé, en 2015, par la DIRECCTE, a dû reprendre le travail en avril 2017. Pendant une semaine, aucune mission ne lui a été confiée. Elle n’avait même pas d’outil de travail.

Depuis, la situation ne s’est pas vraiment arrangée pour elle : « la direction me propose de faire de la comptabilité, alors que ce n’est pas du tout mon métier… »

Face à cette impasse, elle a décidé d’entamer une grève de la faim, ce lundi 22 mai 2017. « Une action personnelle », précise-t-elle, qui vise à protester contre le traitement que lui accorde la direction du groupe. Mais aussi à alerter l’opinion en interne et en externe.

 

Les salariés ont « du mal à se projeter »

Si la démarche est personnelle, elle devrait résonner auprès d’une bonne partie de ses collègues.

En effet, comme le souligne un compte-rendu de la réunion du CE du 9 mai 2017 que nous avons pu consulter, « les salariés de GoVoyages ont du mal à se projeter« .

Se basant sur un rapport d’expertise du cabinet Syndex, leurs représentants déplorent la faiblesse de certaines rémunérations et des augmentations de salaires et l’inefficacité de la politique de formation.

« Les élus de GoVoyages s’interrogent également sur le lien entre les nombreuses démissions constatées ces dernières années et les politiques de rémunération et de formation mises en place : (…) ces politiques ne semblent pas de nature à encourager une partie de l’effectif à se projeter dans l’entreprise », poursuit le compte-rendu du CE.

Dans le même texte, la direction répond que le niveau de rémunération étudié par le cabinet d’experts ne prend pas en compte la prime d’ancienneté qui « représente 80 000 € de coût annuel supplémentaire pour la société ».

Elle rappelle également que les salariés français du groupe bénéficient d’une « excellente mutuelle, de la prévoyance et de 20 tickets-restaurants d’une valeur faciale de 8,50 €, maintenus pendant les congés payés. »

 

Les postes remplacés… à Barcelone ou Casablanca

Nous avons sollicité un entretien avec un dirigeant d’eDreams Odigeo pour en savoir plus. un porte-parole nous a seulement répondu que « la politique du groupe eDreams ODIGEO a toujours été de ne pas commenter les rumeurs. »

La direction a néanmoins assuré en CE qu’il n’y a « pas de volonté cachée de voir les effectifs diminuer ou de forcer qui que ce soit à démissionner (…). Si nos collaborateurs démissionnent, c’est qu’ils ont trouvé un autre emploi ailleurs. »

Les syndicats craignent malgré tout qu’un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) arrive très rapidement. Certains prévoient même la fin des activités du groupe en France.

« La direction d’eDreams Odigeo a toujours dit que la main d’œuvre est trop chère en France, confie un délégué du personnel.

On le constate facilement puisque quand un salarié démissionne en France, il est bien remplacé, oui, mais en Espagne à Barcelone, ou au Maroc à Casablanca… »

Ce à quoi la direction du groupe a répondu en CE, le 9 mai 2017, d’une manière qui ne laisse que peu de doutes sur l’avenir du groupe en France : « la stratégie qui est la nôtre aujourd’hui n’est plus de raisonner à l’échelle d’un pays ou d’un autre, mais bien à l’échelle d’une fonction dans le but d’être le plus efficace possible. »

Source : www.tourmag.com, Rédigé par Pierre CORONAS le Lundi 22 Mai 2017